Remonter
Retour

ChroniquesPublié le 24 octobre 2023

Management et relations professionnelles, Chronique Radio Balises Mardi 24 octobre, Benoit DUBOIS

Environ un tiers des démissions sont liées à des difficultés relationnelles, soit entre le salarié et son chef direct, soit en raison d’une mauvaise ambiance dans l’équipe. A contrario, les bonnes relations avec son manager et entre collègues sont un facteur important de fidélisation et de résilience face aux difficultés. Etablir de bonnes relations de travail ne sert pas pas seulement à rendre la vie plus agréable mais c’est aussi un levier de performance économique

Mais que peut-on faire pour améliorer vraiment l’ambiance au travail?

Je suis convaincu que tout part du management, qui ne peut pas se défausser sous prétexte qu’il y a un beau restaurant d’entreprise ou une journée de convivialité chaque année.

Imaginons une petite scène toute simple, un manager qui revient tout content d’une réunion avec sa direction. Les bons résultats obtenus le mois dernier lui ont valu d’être mis à l’honneur et il partage sa satisfaction avec son équipe: “bravo à tous, le big boss m’a félicité pour les chiffres que le service a atteints”. Une fois le chef retourné dans son bureau, un des collaborateurs commente que ce jeune manager ne s’intéresse qu’à lui-même, qu’il vient se vanter d’avoir été valorisé alors que ces bons résultats sont dus à la qualité du travail fourni en amont par l’équipe, que d’ailleurs il n’a pas été capable de les remercier la semaine passée d’avoir mis les bouchées doubles pour finaliser une offre, etc.

Ce qui aurait pu être un moment qui rassemble l’équipe se transforme en un nouvel événement qui plombe l’ambiance. Dans cette petite histoire, il se joue au moins trois choses importantes pour la qualité des relations de travail.

Pourtant, c’est une anecdote plutôt banale...

Malheureusement oui, mais j’y vois déjà une pauvreté de la relation, une déshumanisation des relations professionnelles. On a tendance à regarder l’entreprise comme une grosse machine qu’il faut bien régler pour la rendre performante et les collaborateurs comme des rouages ou des composants de cette machine qu’on peut mettre sous pression jusqu’à la charge de rupture. En réalité, l’entreprise est une organisation vivante et les collaborateurs des êtres humains qui s’engagent plus ou moins dans leur travail. S’il faut des chiffres pour mesurer une performance physique, commerciale, financière, etc., ce n’est pas comme ça qu’on exprime l’appréciation qu’on porte sur les personnes. C’est toute la noblesse, et la difficulté, du management de passer des chiffres à l’appréciation du travail fourni et inversement de composer avec le potentiel, les qualités, les efforts des collaborateurs pour mobiliser et récolter de bons résultats. En l’occurrence, le manager aurait pu dire: nous avons été bons, c’est grâce à la bonne idée d’untel, à la vigilance de tel autre, à la tenacité pour ne pas lacher ce contrat important, à l’anticipation de cette difficulté, etc. Ce qui est important, c’est de reconnaître chacun pour ses efforts et peut-être encore plus pour ses qualités, c’est-à-dire de le rejoindre dans son identité, dans sa singularité, ce que j’appelle ses talents naturels.

Mais ce n’était peut-être pas le moment de faire cette analyse ?

En effet, la deuxième erreur commise par ce manager, c’est de ne pas tenir compte des rythmes, du besoin de vivre les relations dans une temporalité adaptée. Lui, il a reçu un compliment dans un rite qui est celui de la réunion des chefs de service, peut-être une réunion hebdomadaire ou mensuelle. Ce n’est pas le rythme de son équipe. Cette information qu’il transmet illico arrive à brule-pourpoint, certains seront en mesure de l’accueillir, d’autres n’y seront pas du tout réceptif. S’il a quelque chose d’important à dire à son équipe, il le fait dans le cadre d’une réunion d’équipe qui doit être un moment ritualisé, ce qui ne veut pas dire formel. C’est un moment d’échange entre personnes, de rencontre, qui peut déborder des questions purement professionnelle. Il y a de la place pour l’émotion, du temps pour la réaction, des échanges de feed-back, de l’information, du dialogue. Et s’il y a une très bonne nouvelle dont il faut se réjouir, il y a aussi la possibilité de la célébrer.

Vous êtes impitoyable pour ce manager?

Même s’il y aurait aussi des choses à dire sur la réaction bougonne du collaborateur, notre pauvre manager qui n’est pas toxique mais juste maladroit commet une troisième erreur: il n’en profite pas pour donner du sens à l’action, rappeler la finalité de l’entreprise qui est toujours le service rendu au client, pas les chiffres du mois. Certains n’ont pas particulièrement besoin qu’on leur donne du sens, mais en réalité c’est vraiment fédérateur.

Pour résumer, donner du sens, établir des rites d’échanges, reconnaître les talents de chacun.

Ce site web a été pensé pour limiter son impact environnemental et sociétal.
Mentions Légales